Au milieu d’une ligne Bordeaux–La Rochelle–Nantes, les trois grands ports commerciaux à l’époque du roi Soleil, l’emplacement de la Corderie royale est on ne peut plus stratégique. Près de l’embouchure de la Charente, plus difficile d’accès qu’un port de front de mer, le site ne manque pas d’atouts : estuaire bien protégé, fleuve profond, marais dissuasifs pour les attaques terrestres, arrière-pays pouvant approvisionner en vivres les troupes… Reste une question : pourquoi une corderie ? Tout simplement parce qu’au XVIIe siècle, la voile est le seul moyen de propulsion et que les vaisseaux nécessitent d’innombrables cordages.
Dans cette zone alluvionnaire, la manufacture a été créée sur un radier de chêne. Sous l’impulsion du ministre Colbert, elle illustre la volonté de la France de faire face à l’hégémonie de la Navy et des Provinces-Unies. Elle est implantée au sein d’un arsenal maritime et figure comme le premier bâtiment érigé (1666). Elle est inspirée à la fois de la corderie de Venise (XIIIe siècle) et des bâtiments de Saardam, près d’Amsterdam. Si côté ville (à l’ouest), la façade est fonctionnelle par ses murs de moellons et les faibles ouvertures, côté fleuve (à l’est), elle apparaît monumentale avec de la pierre de taille, des croisées, des lucarnes à frontons ornées de boules ou encore une toiture bicolore…
Inexorablement, l’activité va baisser au milieu du XIXe siècle, en raison de l’arrivée de la vapeur et du câble métallique. Les bâtiments sont alors réaffectés à divers usages. L’arsenal fermera en 1927 et sera même incendié en 1944 par les Allemands. La Corderie est restaurée en 1985 et voit le Centre international de la mer s’y installer dans l’aile sud (la seule que l’on visite).
Le bâtiment impressionne par sa longueur de 374 m. Et pour cause : pour obtenir un câble de chanvre d’une encablure (soit près de 200 m), on devait “commettre” (ou torsader) les fibres sur 300 m en raison de la réduction d’un tiers de la longueur du cordage avec le mouvement. Les ateliers, à commencer par celui des cordeurs, font revivre ces savoir-faire sous les yeux des 110 000 visiteurs annuels. Les amateurs pourront d’ailleurs acquérir des réalisations dans la boutique. Déambuler dans les ateliers permet aussi de comprendre la transformation de la fibre végétale en gréement, les secrets du chanvre… Les passionnés de livres, eux, s’arrêteront à la plus grande librairie maritime de France.
Visiter la Corderie, c’est aussi se fondre dans une ambiance unique. Une odeur aussi ! Celle des cordages goudronnés qui imprègnent l’atmosphère, tandis qu’on visionne le film de 15 mn sur l’histoire de ce “vaisseau amiral” avec les portraits des protagonistes qui s’animent.
L’extérieur aussi vaut le coup d’œil. Flâner dans l’Arsenal et son parc de 13 ha offre l’occasion de découvrir l’Accro-mâts ou encore le Musée national de la Marine. L’aventure maritime de Rochefort est également représentée à travers un projet ambitieux destiné à faire revivre des légendes, telle l’Hermione, réplique de la frégate de La Fayette. On préconise aussi de s’arrêter au musée Hèbre (63, avenue Charles-de-Gaulle) pour comprendre l’implantation de ce site avec un impressionnant plan-relief datant de 1835. Juste à côté, la place des Demoiselles reste un autre incontournable de la cité. Elle vient rappeler qu’après la Marine royale, le 7e art a jeté son dévolu sur les bords paisibles de la Charente, avec Jacques Demy…