’est le ciel qui en est le toit”. Voilà pourquoi, d’après Jean Linard, sa Cathédrale est la plus haute du monde. Imparable ! Fantasque, étonnant, pluridisciplinaire, ce natif de la Nièvre (1931) et ancien de l’école Estienne, à Paris, s‘intéresse très tôt à la poterie, fréquentant les artisans de La Borne, dans le Cher, haut-lieu de la discipline. Après avoir été un temps graveur sur cylindre pour l’imprimerie, il s’y installe en 1959 en tant que potier avec la céramiste Anne Kjærsgaard, sa deuxième épouse. Deux ans plus tard, ils deviennent propriétaires d’une ancienne carrière de silex à Neuvy-Deux-Clochers, à moins de 15 km de Sancerre, où ils construisent une maison sur le modèle des fermes danoises, pays d’origine d’Anne, avec des poutres, des tuiles, des menuiseries… de récupération.
Vingt-deux ans et deux compagnes plus tard, c’est ici, après l’échec pour des raisons administratives d’un projet artistique collégial, qu’il commence à édifier son œuvre majeure, en pleine forêt de Neuvy-Deux-Clochers. Au départ chapelle, cette dernière deviendra église, puis cathédrale au fur et à mesure de l’avancée des travaux qui dureront jusqu’à la mort du potier, céramiste, sculpteur, graveur et architecte, en 2010.
Chef d'œuvre en péril
De son vivant, la visite était possible… à son bon vouloir. Aujourd’hui, après plusieurs années de succession difficile, de gestion chaotique, de fermeture, et d’un avenir incertain, la Cathédrale revit. Conservant ce mysticisme qui étonne, rebute parfois, mais interpelle toujours. Art singulier, architecture naïve, difficile de classer ce monument à ciel ouvert dont l’apparente anarchie cache, en réalité, une vision œcuménique de l’artiste : Jésus et Dieu y vivent en parfaite harmonie avec Bouddha, Mahomet ou encore ses inspirateurs Picassiette, le Facteur Cheval et Gaudí, autre créateur d’une cathédrale hors norme.
Plus de 80 noms de divinités, prophètes, artistes… parsèment les arches, les mobiles, les parements recouverts de mosaïques colorées, qui ne sont pas sans rappeler celles de Gaudí, encore lui, visibles à Barcelone. Les carreaux servant à ces dernières ont été fabriqués par le maître ou récupérés ici et là, en particulier dans la décharge de l’usine d’émaux de Briare (Loiret), à quelques kilomètres.
Un lieu à la fois sacral et joyeux
Les toitures, elles aussi, recèlent de nombreux trésors : tuiles émaillées colorées conçues sur place, sculptures et modelages en tout genre. Depuis les faîtages, vous observez un véritable bestiaire. Alors, n’hésitez pas à lever les yeux ! Un chemin de croix longe la maison, menant aux nef, théâtre (qui accueillit des spectacles, concerts et défilés de mode à l’époque), bassins, paradis qui s’étalent à l’arrière de la bâtisse. Des statues de métal, les gardiens du temple qui se comptent par dizaines, surveillent l’ensemble, dont certaines depuis le chemin en lisière de forêt surplombant les lieux et où se trouve la sépulture de Jean Linard. Le soir de sa construction, il dira à son épouse, abasourdie : “J’ai fini ma tombe.” Bien sûr, il s’agit d’un cénotaphe, Jean Linard ayant été incinéré et ses cendres dispersées. D’ailleurs, seule son année de naissance y est inscrite, comme s’il était, quelque part, immortel.