Après avoir parcouru de nombreux kilomètres sur des 2x2 voies monotones, nous apercevons la blancheur du village perché de Mojácar qui marque la frontière andalouse. La côte jusqu’à Carboneras, nous laisse un peu sur notre faim. Une vieille tour, qui surveillait les incursions des pirates à l’époque, se trouve entourée d’hôtels, fruits d’un tourisme de masse que nous fuyons.
Les superbes paysages du Parc naturel du Cabo de Gata-Níjar ont, quant à eux, été préservés. La route blanche serpente entre des collines et des rochers colorés qui rappellent l’exploitation minière. Nous prenons de la hauteur pour aboutir à un belvédère, d’où nous jouissons d’une admirable vue panoramique. Tout en bas, Las Negras, un petit village tranquille qui invite au farniente. Plus loin, La Isleta del Moro et son promontoire peuplé d’oiseaux marins est une étape à ne pas manquer.
De nombreux camping-cars bivouaquent sur la plage pourtant interdite au stationnement. Il est vrai que passer la nuit dans un endroit pareil est tentant. Nous préférons pousser jusqu’à Los Escullos. Quelques cabanons cachés dans la végétation, un vieux fort du XVIIIe siècle et des falaises déchiquetées augmentent cette ambiance de fin du monde.
La route nous mène vers l’inconnu. On prend même un malin plaisir à se perdre pour tomber sur de petites fincas (fermes traditionnelles), perdues au milieu des figuiers de barbarie et des agaves importés du Mexique au XVIe siècle par les conquistadores. Nous passons la nuit à Las Salinas, près des salines (vous l’aviez deviné) et d’une église posée face à la mer. Des barques sont encore arrimées à des treuils antiques. Pas mal de camping-cars sont stationnés à côté de nous, leurs occupants profitant du superbe coucher de soleil.
Almería, la multiculturelle
Phéniciens, Romains, Vandales, Wisigoths et Byzantins ont laissé leur empreinte dans le port stratégique d’Almería. C’est au Xe siècle que les Arabes construisent une tour de guet Al-Mariya, qui a donné son nom à la ville avant de devenir une forteresse dominant la cité. Le parking gratuit sur le front de mer [GPS : (N) 36°49’26”/(O) 2°26’46”] est un peu excentré, mais très pratique pour rejoindre le centre-ville, en une demi-heure à pied, en longeant la côte.
Nous arrivons à l’Alcazaba, la fameuse forteresse. La première enceinte est occupée par de beaux jardins sillonnés de petits canaux, symboles de la culture musulmane. La seconde protège les citernes, une maison reconstituée avec son patio ainsi que le palais du calife où l’on voit des arcs trilobés soutenus par des piliers de marbre. Tout en haut, le donjon gothique, édifié par les rois catholiques, rappelle le rôle défensif du site. Les remparts ocre, en pisé, font penser aux kasbahs d’Afrique du Nord. La vue sur les maisons colorées du quartier de la Chanca clôture notre visite. Pour apprécier pleinement Almería, il ne faut pas hésiter à musarder vers la plaza de la Constitución, un ancien souk arabe où l’on peut admirer les palmiers filiformes qui dépassent les édifices. Perdez-vous dans les ruelles où de minuscules épiceries vendent l’indispensable. Vous finirez par arriver sur la place de la cathédrale, un monumental édifice construit sur une ancienne mosquée.
Nous poursuivons notre circuit par la route côtière. Une erreur à ne pas reproduire, car jusqu’à Salobreña, nous passons à côté d’un paysage envahi de plastique qui s’étend à perte de vue. Une fois cette centaine de kilomètres parcourue, nous parvenons enfin dans un bel endroit : le pied de la vieille ville de Salobreña. Un vaste parking bien plan [GPS : (N) 36°44’22”/(O) 3°35’20”] sera une halte réparatrice. Des volées de marches, des ruelles verdoyantes et des habitants charmants nous guident vers la forteresse. Le château, avec ses bains et ses citernes, est bien restauré. Un joli chemin de ronde dévoile à son pied un entrelacs de maisons cubiques blanchies à la chaux. Des champs de canne à sucre et d’arbres fruitiers s’étendent à perte de vue. Les petites rues du village sont entièrement piétonnières. Les habitants rivalisent d’imagination pour embellir les façades à l’aide de pots de fleurs, d’azulejos, de faïences et de collection d’assiettes colorées…
Un petit détour par La Axarquía
Munis du dépliant offert par l’Office de Tourisme de Nerja, nous rejoignons Frigiliana, l’un des plus beaux villages de La Axarquía. Planté au milieu d’un paysage vallonné où les orangeraies rivalisent avec les plantations de kiwis, ce gros bourg éclatant de blancheur apparaît au détour d’un virage. Comme toujours, il faut se garer dès que l’on peut pour partir à l’assaut des ruelles escarpées où quelques azulejos apportent une touche colorée. Quelques boutiques, les effluves alléchants d’un petit restaurant sur une placette d’où l’on aperçoit la mer… On se croirait à Sidi Bou Saïd, en Tunisie.
La route continue en tournicotant gentiment vers Cómpeta. Prenant pour repère le clocher de l’église, nous arrivons sur une charmante place où les anciens se chauffent au soleil. Le village est connu pour sa production viticole. Vous pourrez d’ailleurs rapporter quelques flacons en passant par l’épicerie Emilio Fernández Rodríguez. Le vin, dulce et seco, gorgé de soleil et sympathique pour l’apéro, se négocie autour de 3 € la bouteille. Plus loin, une petite échoppe vend un miel à 7 € le kilo.
Sur les contreforts de la sierra de Tejeda et de Almijara, des coteaux de vigne et des plantations d’orangers ponctuent le paysage. Après Sayalonga et Algarrobo, nous décidons de rejoindre Málaga, où les places de stationnement sont, hélas !, très rares pour les camping-cars. Il est donc préférable de redescendre sur la côte pour trouver un endroit où bivouaquer.
Málaga, ce n’est pas que du vin
Connue pour son vin doux, Málaga est aussi une magnifique cité, très animée. Pour se garer, on privilégie le parking en terre le long de la calle Gorki [GPS: (N) 36°43’2”/(O) 4°20’55”]. Puis, en 40 minutes à pied, on rejoint le centre. En chemin, faites un arrêt à la cafétéria Casa Baro. Depuis 1952, il est possible d’y déguster de merveilleux chocolate con churros. Place de la Constitución, la cathédrale est un impressionnant mélange de styles gothique, Renaissance et baroque ! Mais le point d’orgue est le centre de Málaga, calle Alcazabilla, avec le théâtre romain en premier plan et les puissants remparts de l’Alcazaba qui complètent le décor. Des saltimbanques animent le lieu. Le centre-ville est entièrement piétonnier et cycliste. Le dimanche après-midi, après 14 h, la visite du palais forteresse est gratuite. De lourdes portes aux colonnes romaines s’ouvrent sur un système de chicanes créées pour ralentir les envahisseurs potentiels. Passées les deux rangées de fortifications, nous arrivons sur des terrasses et leurs jardinets fleuris. On respire la délicate odeur du jasmin et des orangers en se laissant bercer par l’écoulement de l’eau des fontaines. Tout en haut, le palais du sultan, conçu autour de trois patios, rappelle un peu l’Alhambra de Grenade. La ville moderne et l’avenida Marqués de Larios, un concentré de grands immeubles du XIXe siècle et de luxueux magasins, sont également à voir. Nous vous conseillons de terminer cette journée dans la palmeras de los Curas, ce vaste poumon vert est situé face au port.
Antequera, symbole Renaissance
Plutôt que de filer directement sur Grenade, nous décidons de suivre les conseils de camping-caristes qui ne tarissent pas d’éloge sur Antequera. Pour s’y rendre, deux options s’offrent à vous. Les plus pressés emprunteront la voie express, les autres la MA-424 qui serpente et passe par le Parc naturel El Torcal. Un grand parking avec vue sur la forteresse vous attend à l’entrée d’Antequera. Le spot est si connu qu’il arrive qu’il soit complet. Dans ce cas, garez-vous près du stade [GPS : (N) 37°1’17”/(O) 4°34’19”]. Dans tous les cas, vous êtes à 10 minutes à pied du centre-ville. Au sein de cette commune, on dénombre pas moins de 27 églises, qui jouxtent souvent un monastère. A croire qu’au XVIe siècle, les congrégations se donnèrent le mot pour s’implanter ici. L’Office de Tourisme distribue gratuitement un plan avec un circuit indiquant tous les édifices, y compris les palais.
Grenade et son Alhambra
Il est des lieux difficiles à décrire, mais où l’on se sent obligé de revenir. L’Alhambra de Grenade est de ceux-là. Mais avant, il faut stationner. Depuis peu, un parking accueille les camping-cars, juste à côté de l’entrée du monument (guichet des tickets). Reconnaissons que c’est très pratique, mais le tarif est prohibitif (32,90 € les 24 heures, du 1er octobre au 31 mai ; 60,10 € en haute saison). Les petits malins qui pensent contourner le problème en stationnant sur le petit parking – mentionné par une application collaborative connue – risquent de s’en mordre les doigts. Plusieurs camping-caristes ont dû régler un fort supplément pour s’y être installés.
La meilleure solution est de s’arrêter sur un vaste parking gratuit à Albolote [GPS : (N) 37°13’40”/(O) 3°39’7”] et de monter à bord du tramway qui vous mène jusqu’à l’avenida de la Constitución (station Caleta). Il faudra ensuite marcher une grosse demi-heure pour monter au faîte de l’Alhambra et acheter vos tickets. Mieux vaut toutefois programmer votre visite et acheter votre billet d’entrée sur Internet, et pourquoi pas, être accompagné d’un guide. Munis du précieux sésame, nous attendons notre tour pour visiter les palais nasrides, le nec plus ultra de l’Alhambra : salons recouverts de stuc finement ciselé, plafonds en cèdre marqueté et muqarnas de la salle de la Barque, murs couverts d’azulejos colorés qui jouent avec la lumière… Tant de merveilles nous donneraient presque le vertige.
Le Mexuar se reflète dans un magnifique bassin. Les marbres sont omniprésents, la cour des Lions nous laisse sans voix. On revient admirer une petite fenêtre finement décorée qui donne sur un jardin fleurant bon les orangers. On tente un demi-tour pour revoir quelques détails et garder en mémoire ce lieu unique qui surprit les rois catholiques quand le sultan Boabdil abandonna définitivement cet ensemble médiéval de mille et une beautés. Ne manquez pas le palais et les jardins du Généralife. Vous y découvrirez le génie des Maures pour l’art du jardin, le jeu de l’eau et celui de la lumière. Ici, l’odeur du jasmin domine, il ne manque plus que le son du luth pour changer d’époque.
Vous finirez par la visite de l’Alcazar, la forteresse qui domine les palais. Modèle de système défensif avec chicanes, courtines, créneaux, cet édifice offre un panorama superbe sur le quartier de l’Albaicín. Le matin, les rayons du soleil éclairent de façon idéale la vieille ville arabe, une pure vision de carte postale. En contrebas de la forteresse, le quartier de la cathédrale révèle quelques trésors. Nous vous suggérons de passer par la chapelle royale, de style gothique, protégée par une superbe grille en fer forgé. Tout à côté, l’Alcaicería, un ancien souk un peu envahi par les boutiques de souvenirs. Enfin, la calle Reyes, le corral del Carbón est un vieux caravansérail où étaient hébergés les marchands.
Consacrez votre après-midi à déambuler dans l’Albaicín et le quartier gitan du Sacromonte. Ici, cactus et agaves poussent entre la rocaille et les habitations. Nombre de cuevas (maisons troglodytiques) ne sont plus habitées, mais il est possible d’en visiter certaines qui abritent désormais des dancings.
Au coucher du soleil, beaucoup de touristes se retrouvent au mirador de San Nicolás, pour jouer de l’appareil photo. Sur la placette, il n’est pas rare de croiser un guitariste accompagnant des danseuses de flamenco. Cette musique et cette danse ont participé à créer la chaleureuse ambiance de Grenade.
Baeza et Ubeda, au Patrimoine mondial de l’Unesco
Avec ses champs d’oliviers qui s’étendent sur des kilomètres, la région entre Jaén et Ubeda est réputée pour son huile. Dans chaque village, un moulin dédié tourne à plein régime. A Baeza, l’aire gratuite avec services [GPS : (N) 37°59’45”/(O) 3°27’35”] est située près de la station de bus, à 500 m du centre. La calle San Pablo mène à la vieille ville universitaire.
De l’étonnant palais de Jabalquinto, avec ses pinacles et ses pointes de diamant, jusqu’à la petite place du Pópulo, une suite de monuments Renaissance vous attend. Là, une vieille fontaine aux Lions fait face aux anciens abattoirs et à la Maison du Peuple, au style plateresque. Cette dernière héberge l’Office de Tourisme.
En fin de journée, quand la lumière se fait plus douce, fureter dans le vieux quartier médiéval, plaza Santa Cruz… est un vrai plaisir. On s’attend à croiser le capitaine Alatriste, héros d’Arturo Pérez-Reverte. On terminera dans la pâtisserie de la plaza de la Constitución qui confectionne de succulents beignets fourrés à la confiture de cédrat. Vous nous en direz des nouvelles.
Seulement 10 km nous séparent d’Ubeda et son aire – gratuite elle aussi – très bien située [GPS : (N) 38°0’23”/(O) 3°22’45”]. Sur place, vous pourrez faire provision d’une excellente huile d’olive à la coopérative La Carrera (22,50 €, le bidon de 5 l). En remontant l’avenue de la Constitución, vous tomberez face à une charcuterie qui vend un excellent jambon ibérique, et une pâtisserie dont les gâteaux aux amandes vous raviront les papilles. Il y a aussi une churreria typique où les habitants du coin aiment à se retrouver pour tremper leurs churros dans un chocolat bien crémeux. Après les plaisirs gustatifs, vous admirerez le superbe clocher aux tuiles vernissées de l’ancien hôpital de Santiago et le palais de la calle Real. Bien caché dans une jolie maison mudéjar aux patios fleuris, le petit musée archéologique nous a bien plu. Y sont exposées plusieurs œuvres d’art musulmanes diffusées après la reconquête, pendant la période de tolérance. La place Vásquez de Molina avec sa fontaine, ses églises et bâtiments civils d’une rare harmonie architecturale, conclut notre visite. Et c’est du haut des remparts, le regard fixé sur les oliveraies, que l’on se plaît à rêver de notre prochain voyage dans cette incroyable Andalousie où tant de choses encore restent à découvrir.