Débarquer à Messine, c’est changer de monde. En termes de règlementation d’abord, notamment le code de la route. Manifestement, la priorité à droite semble méconnue et les panneaux “Stop” sont souvent “glissés” ; les Vespa doublent par la droite et les conducteurs locaux ont tendance à confondre “se garer” avec “poser son véhicule”. A ce premier constat quelque peu inquiétant, nous ajouterons l’état des chaussées un tantinet défectueux et les nombreuses “déviations” liées à d’improbables travaux. Quant à l’étroitesse des rues dans certains villages, on n’est pas trop de deux pour circuler sereinement et arriver à Taormine, première étape de notre séjour.
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S’y garer relève de l’exploit. Ratant le petit parking gratuit [GPS : N 37°50’55” / E 15°17’11”], on se retranche sur celui du bas de la ville (8 €/heure). Vingt minutes de grimpette, et nous voilà à admirer les places de la ville, dont celle du Duomo avec sa belle fontaine baroque, et celle d’Aprile aux terrasses avenantes, aux maisons et bâtiments aux façades pastel. Au bout du corso Umberto, jalonné de boutiques de luxe, nous parvenons au théâtre gréco-romain du IIIe siècle qui fait la célébrité de la cité. Construit en brique, il offre une vue exceptionnelle sur la mer Ionienne et sur l’Etna qui laisse échapper ses fumeroles à l’horizon. Les gradins pouvaient accueillir 4 000 spectateurs, faisant de ce théâtre antique le plus grand de Sicile. L’acoustique y est exceptionnelle. Certains visiteurs s’amusent d’ailleurs à déclamer quelques textes sur la scène.
L’Etna, l’excursion incontournable
Le parc national de l’Etna n’est pas bien loin. Pour en gravir les flancs, nous choisissons d’y arriver en fin d’après-midi pour être à pied d’œuvre dès le lendemain matin. Nous stationnons au calme, sur le parking proche des remontées mécaniques (un panorama grandiose balayant toute la côte, s’offre à nous) et des cratères Silvestri, formés par les éruptions de 1892, qui nous donnent un premier aperçu de ce que l’on découvrira au petit jour.
Pour partir à l’assaut du géant de Sicile (135 km de circonférence, 3 360 m d’altitude et plus de 300 cratères), nous sommes accompagnés d’un guide. Un premier trajet en téléphérique, un second en bus 4x4 et nous arrivons à la Torre del Filosofo, érigée en souvenir du philosophe Empédocle qui se jeta dans le cratère. A 2 900 m, la température s’est rafraîchie et les vapeurs de soufre sont de plus en plus présentes. Notre guide nous rappelle que l’Etna est toujours actif. En 2023, quatre éruptions se sont produites créant de nouvelles caldeiras que l’on distingue parfaitement. Vastes amas de cendre, monticules de lave noire ou rouge (teinte provoquée par l’oxyde de fer), aucune trace de végétation… Le paysage 100 % minéral est lunaire et les coulées de lave sont allées jusqu'à constituer un tunnel.
La visite se poursuit jusqu’à la Valle del Bove. Sur ses flancs, le végétal a repris ses droits. En réalité, le point chaud de l’Etna change de position avec le déplacement de la plaque africaine qui s’enfonce sous le continent eurasien. Magie de la tectonique des plaques !
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Il est possible d’avancer jusqu’au cratère sommital, si la météo et les émanations de gaz le permettent. Il faut accepter de gravir 300 m de dénivelé, les pieds dans la cendre. Une partie sportive où pour avancer d’un pas, vous reculez de deux… Mieux vaut donc être accompagné d’un guide. Il en coûte 90 €, mais on est plus en sécurité et bien informés sur la vie du volcan.
Redescendu du monstre de feu, nous partons pour Syracuse. Sur la route, nous faisons halte à Aci Trezza, pays des cyclopes. Dans cette petits station balnéaire, d’énormes rochers de lave noire surgissent des flots. Selon la légende, le géant Polyphème aurait lancé des rochers après qu’Ulysse lui eut crevé son œil pour faciliter l’évasion de ses amis. L’endroit est agréable, l’eau cristalline. Il ne faut pas hésiter à se garer le long de la route dès qu’une place se libère.
A Syracuse, chez Archimède
Classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, Syracuse est incontournable. Hélas, y trouver un bivouac est quasi impossible. Nous nous posons donc sur l’aire située près de la zone archéologique (un parking avec eau et électricité). Une marche d’une petite demi-heure nous amène sur la presqu’île d’Ortygie, cœur historique de la cité.
Après le pont Umberto où les pêcheurs remaillent leurs filets, la via Duomo nous mène vers la piazza Archimede et sa fontaine de naïades et sirènes chevauchant des tritons. N’hésitez pas à emprunter les ruelles où le linge sèche aux fenêtres et où les odeurs de cuisine vous titilleront les narines. Sur la fastueuse place du Duomo, outre l’église, ne manquez pas l’Ipogeo, monument grec transformé en lieu de culte. Les palais aux balcons ouvragés se succèdent. Certains sont en piteux état. On se presse près de la fontaine Aretusa et ses papyrus, clin d’œil à l’esprit d’Archimède qui construisit des machines de guerre pour défendre la ville contre l’envahisseur romain.
Au bout de la presqu’île, le castello Maniace porte l’histoire des Byzantins, Arabes, Normands, Angevins et Aragonais qui croisèrent le fer pour annexer la Sicile. A la lumière du soir, les vestiges du temple d’Apollon et les restes de ses colonnes trapues fournissent un arrêt méditatif.
Dans les terres, de belles découvertes
Traversant une région où abondent amandiers et oliviers, nous faisons halte à Noto. La ville originelle a été entièrement détruite par un séisme en 1693. La nouvelle Noto, unique en Sicile, se caractérise par un style baroque tardif. Trois rues parallèles la délimitent. Celle du haut était occupée par la noblesse, celle du milieu était réservée au clergé et celle du bas aux classes populaires. On dénombre une multitude d’églises, baroques évidemment, qui débordent de colonnes, moulures, statues et campaniles. Les intérieurs sont de véritables bonbonnières, décorées de stuc, de fresques et de dorures dont la quantité donne le tournis.
Du haut du clocher de la chiesa du Montevirgini, on mesure l’étendue de cette ville-musée. Certaines familles nobles ont choisi de se démarquer par leurs balcons, celle de Nicolaci di Villadorata n’a pas lésiné pour décorer la façade de son palais : les six avancées sont ornées de figures grotesques : lions, sirènes, chevaux ailés... Et à l’intérieur, le propriétaire pouvait accéder au premier étage à cheval grâce à une rampe installée. La demeure compte 90 pièces, les plafonds sont en trompe-l’œil et les planchers revêtus de céramiques colorées. L’exubérance à l’état pur !
A l’ouest, Raguse, accrochée en haut d’un ravin. La route pour y arriver est vertigineuse. Mais une fois sur place, on est époustouflé par les maisons serrées les unes contre les autres, semblant toutes en équilibre précaire. Le parking de l’hôpital, gratuit et bien situé [GPS : N 36°55’14” / E 14°44’39”] avant le centre-ville- permet d’accéder à pied à un site d’une très belle unité architecturale : Ragusa Ibla. Au cœur de cette cité médiévale, on se perd dans les ruelles, où seuls quelques chats se prélassent au soleil, flanquées de maisons pastel au crépi qui s’effrite et de vieux palais abandonnés. Nos pas nous mènent place du Duomo, où la vie reprend. Nous imitons les enfants qui sortent de l’école en nous offrant un granite lemon avant d’affronter les volées de marche qui mènent à Ragusa Superiore. La vue sur l’ancienne cité y est peut-être encore plus belle. Pour vidanger et faire le plein d’eau, une aire nous attend tout près de là [GPS : N 36°54’58” / E 14°43’51”).
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Direction sud-ouest. La petite route qui serpente au milieu de vergers et de pâturages cernés de murets de pierre, mène au château de Donnafugata. L’endroit ne figure sur aucun guide, nous sommes les seuls visiteurs. De l’ancien château médiéval, il ne reste pas grand-chose. Mais sa loggia Renaissance matinée de néogothique a fière allure. A l’intérieur tout est resté “dans son jus” : salle des blasons, fumoir, salle de billard, modeste copie de la galerie des Glaces de Versailles… Ce faste traduit la réussite sociale des propriétaires, mais aussi leur ennui. La galerie des portraits aux airs sérieux, voire dédaigneux, montre combien les châtelains manquaient de jovialité. Le vaste parc planté de ficus, palmiers et pins parasols et flanqué d’un labyrinthe de pierres, conclu la visite.
De la céramique aux mosaïques
En remontant vers le nord, la ville de Caltagirone semble recroquevillée sur elle-même. Sa forteresse Cal’at Ghiran, fondée par les Arabes, donna son nom (le “château des vases”) à la cité. On comprend mieux pourquoi, elle est aujourd’hui reconnue comme étant capitale de la céramique. La visite s’articule autour de la Scalinata di Santa Maria del Monte, un escalier monumental qui relie la ville haute, siège du pouvoir religieux, au pouvoir civil de la ville basse. Les 142 marches sont habillées de carreaux de majolique reproduisant des céramiques anciennes. A la fin mai, pour la fête religieuse, 4 000 pots de fleurs décorent les escaliers. Pour en savoir plus sur la fabrication des céramiques, n’hésitez pas à pousser la porte d’un des nombreux artisans qui ont pignon sur rue.
Une trentaine de kilomètres plus au nord encore, nous atteignons la villa Romana del Casale. Découverte en 1929 et inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco dès 1954, cette propriété d’un aristocrate romain (IVe siècle après J.-C.) avait été bâtie au centre d’un immense domaine agricole (latifundium). Les 3 500 m2 de mosaïques témoignent de la vie des Romains, de leurs mœurs, de leurs croyances religieuses. Le couloir de la grande chasse est impressionnant. Véritable BD des temps antiques, on observe la capture des animaux en Afrique, sans doute pour les combats dans les arènes. La célèbre mosaïque “des jeunes filles en bikini” montre des compétitions sportives (courses, lancers) et la remise de palme aux gagnantes. On peut aussi admirer des scènes de pêche qui renseignent sur les poissons de Méditerranée ainsi que des illustrations évoquant les douze travaux d’Hercule. On termine par une petite séquence coquine.
Notre escapade dans les terres s’arrête à Enna, surnommée par le grec Callimaque le “nombril de l’île” en raison de sa position. Perchée à 1 000 m d’altitude, la ville est un véritable belvédère d’où l’on profite d’une vue exceptionnelle sur le village de Calascibetta et le château des Lombards. A l’origine, les défenses de cette forteresse comptaient 20 tours (il en reste six) et faisaient de lui un des plus grands châteaux de Sicile. Par chance, toutes les voitures n’ont pas squatté les emplacements camping-cars de l’aire gratuite située en bas de la ville.
A l’origine de la Sicile : les Grecs
En 580 avant J.-C., des colons grecs débarquent de Crète et de Rhodes. Ils trouvent l’endroit idéal pour y construire des lieux de culte. La vallée des temples est née. Le site occupe une longue crête portant un ensemble de temples doriques. Nous nous précipitons vers le mieux préservé, le temple de la Concorde. Ironie de l’histoire, les chrétiens le transformèrent en église, ce qui lui évita d’être détruit. Rendu à son état antique, en 1748, il possède un entablement parfaitement conservé. Ses colonnes formées de quatre tronçons sont amincies vers le haut pour paraître plus grandes. On peut encore voir les métopes qui séparaient des scènes, sur un fronton en parfait état.
Avant d’arriver au temple de Junon, construit à l’extrémité de la colline, nous passons devant une série de cavités. Ce sont des tombes à arcosolium (surmontées d’un arc). Nous n’oublions pas les vestiges des temples d’Hercule et de Castor et Pollux, les Dioscures, à deux pas du Giardino della Kolymbetra. Dans ce vallon, vous passerez dans des champs d’orangers, de citronniers et d’oliviers. Complément à la visite, le musée archéologique expose une collection de superbes vases grecs dans un état de conservation exceptionnel. Un télamon, nommé aussi atlante, colosse de pierre de 7,65 m de haut soutenant l’architrave du temple de Zeus, s’y trouve aussi. On s’arrête également devant les objets du quotidien : lampes à huile, amphores et curieux strigiles qui servaient à racler la peau des athlètes. La profusion végétale à l’entrée du musée apporte un autre supplément de beauté à la visite.
Nous terminons la journée en bord de mer, à la Scala dei Turchi (l’escalier des Turcs). Il s’agit en fait d’un pan de marne (mélange d’argile et de calcaire), tout en courbes sinueuses, d’une blancheur éclatante. Bel endroit pour piquer une tête !
C’est à Sciacca, un des principaux ports de pêche de Sicile, que nous terminons la première partie de notre itinéraire, face aux chalutiers et bateaux au lamparo. Les maisons montent à l’assaut de la colline. Dans une succession d’ocre et de jaune oranger, la ville a des allures de casbah. Nous flânons dans ce quartier fait de jeux d’escaliers et de minuscules ruelles. Au bout de l’une d’elles, un bar propose des arancinis (boulettes de riz, panées et frites) accompagnés d’un Nero d’Avola. Après notre exploration touristique, nous entamons un voyage gastronomique.
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A Voir À faire
- A Syracuse, visiter le parc archéologique et les latomies, les anciennes carrières de pierre. Bien vérifier que les latomies sont ouvertes et que le théâtre n’est pas sous des échafaudages…
- A Syracuse, dîner dans un des nombreux restaurants d’Ortygie et profiter de la nuit pour parcourir les ruelles et voir les palais sous un autre éclairage.
- A Taormine les amateurs d’art contemporain visiteront le Palais dei duchi de Santo Stephano et son très beau jardin.
- A Noto, les fans de baroque ne manqueront pas le Palazzo Beneventano. Décors extraordinaires.
- Se baigner à Marina di Monica (au sud de Raguse) une petite station où le béton n’a pas tout envahi. Après Aci Trezza, le castello Normanno d’Aci Castello ravira petits et grands.
- Visiter la vieille ville d’Agrigente, oubliée des touristes, notamment le quartier de la cathédrale. Se garer sur le parking du site d’Ereclea Minoa et aller se balader en bord de mer. Petit village très calme et sympathique hors saison.
- Participer à une fête locale avec processions…, il y en a souvent. Dates à retrouver dans les offices du tourisme. Ambiance sicilienne assurée.
Infos pratiques
- Formalités : carte nationale d’identité ou passeport, carte grise et carte verte d'assurance, permis de conduire national. Facultatif : carte européenne d’assurance et celle d’assistance.
- Quand y aller ? Printemps et automne sont les deux saisons à privilégier : températures beaucoup plus douces et moins de touristes ; en hiver, températures agréables, mais il neige régulièrement sur l’Etna et les massifs montagneux des Madonies et des Nebrodi (près d’Enna).
- Langues : l’italien ; le français est un peu parlé.
- Quelques prix : café : autour d’1,20 € ; cappuccino : 2,50 € ; légumes et fruits sur les marchés, presque moitié moins cher qu’en France ; cornetto siciliano (LE gâteau à ne pas rater) 2,50 € ; bière : de 3 à 5 € ; repas au restaurant : minimum de 25 € avec le pane coperto, mais sans boisson ; pizza : à partir de 6 € ; gasoil : environ 1,70 € (attention si vous prenez la pompe marquée “servito” le prix est majoré de 20 à 30 cts/litre !) Se servir aux pompes « self »
- Visites : de 6 € à 15 € en fonction des sites. Prévoir sa carte d’identité les + de 65 ans ne paient pas ou ont une réduction.
- Excursion Etna avec téléphérique et minibus 4X4 : 90 € jusqu’à 2900 m et 120 € pour aller au cratère sommital.
- Routes : les autoroutes sont payantes de Messine à Palerme et de Messine à Catane. Le réseau secondaire est en piteux état. Parties en travaux qui n’en finissent pas… Attention à la conduite, roulez doucement et ne vous énervez pas à chaque fois que vous voyez une infraction au Code de la route.
- Bivouac, eau : pas très facile à trouver. On vous en indique dans l’article. Comme tout le monde se gare n’importe comment, on ne vous dira rien si vous passez la nuit sagement sur un parking.
- Eau : fontaine ou dans les quelques aires et les campings.
- Vidanges : aires ou campings.
- Téléphone et Internet : le téléphone portable passe partout. WIFI très présent.
- Cartes et guides : Guide du Routard et Guide Vert : Sicile.
- Carte Michelin N°365 Sicilia.