Découvrir une région historique d'Espagne en camping-car : La Vieille-Castille

En début d’automne, nous avons sillonné en camping-car les routes de la province de Vieille Castille, rebaptisée Castille y Leon. Un circuit proche de la frontière française, mais terriblement dépaysant, que l’on peut suivre en toute saison. Avec toutefois une petite préférence pour le printemps ou la fin de l’été.

 

Dans la Meseta, le grenier à blé espagnol, les champs s’étalent à perte de vue. Des kilomètres de ligne droite, puis un village, son église et une forteresse. Un panneau nous souhaite un chaleureux ¡ Bienvenidos a su casa ! A Cuellar, le château fort est un rappel des longs conflits qui se sont abattus sur la région, au Moyen Age, pour la possession des terres. L’édifice militaire a été construit sur la plaine, notamment quatre massives tours, une barbacane, des ponts-levis... La visite des appartements nous fait découvrir la vie des habitants au XVe siècle. Les jardins font le lien avec ce qui deviendra un palais. Pour profiter d’un beau coucher de soleil, nous bivouaquons sur l’aire gratuite située à proximité de l’imposant édifice (lat. 41.401699/long. -4.320010).

Des villes historiques sublimes

Avant Ségovie, nous passons par le château de Coca (stationnement facile), une fortification unique en Espagne pour son style mudéjar. Les chrétiens bâtisseurs utilisaient les techniques et influences arabes. Deux enceintes entourées de douves sèches, qui empêchaient les adversaires de “miner” les courtines, protègent un puissant donjon défendu par une herse et un pont-­levis. Le tout mesure 560 m de long ! Une prouesse architecturale et artistique. Les murs de brique s’enflamment au soleil levant, révélant toute sa beauté.

 

Les petites routes SG-342 et CL-605 traversent d’immenses champs, ponctués de quelques villages en partie désertés. Et enfin, posée sur le seul promontoire rocheux du secteur, apparaît Ségovie. Nous rejoignons l’aire gratuite de la plaza de Toros (lat. 40.940706/long. -4.107896) située à 20 mn à pied du centre-ville. Nous suivons l’aqueduc romain qui alimentait la ville (l’eau était captée à 14 km). Sur deux étages d’arches de granit, il atteint 28 m de haut. Sur la plaza San Martin, on découvre l’église romane et sa triple galerie extérieure. On apprécie les belles demeures seigneuriales autour de la statue de Juan Bravo, un opposant au pouvoir royal qui avait décrété un impôt jugé injuste par la majeure partie de la population. Un peu plus loin, la cathédrale du XVIe siècle, de style gothique, éblouit par sa forêt de pinacles et les décorations parfaitement restaurées.

Enfin, tout au bout du promontoire, tel un navire surgi des flots, l’Alcazar (El Ksar, en arabe qui signifie château). Pour profiter pleinement de cette résidence des rois de Castille, mieux vaut s’y rendre de bonne heure. Dès l’entrée, nous sommes accueillis par une collection d’armures. Suivent les appartements royaux aux plafonds d’inspiration maure. Vous pouvez aussi compter les motifs de pommes de pin de la salle éponyme. Il y en aurait 302, nous n’avons pas pris le temps de vérifier. Une collection d’arbalètes, de bombardes et couleuvrines montrent l’évolution des armements au fil des siècles.

Enfin, il nous reste à grimper les 152 marches du donjon, pour admirer le panorama sur la ville. Après cette journée riche en découvertes, nous longeons les anciens remparts maures vers la porte de San Andres, avant de faire une pause sur la plaza Major où l’on déguste quelques yemas, biscuits moelleux à base de jaunes d’œufs, un peu riche en sucre.

Avila, la ville aux 88 tours

Avant d’accéder à la ville fortifiée d’Avila, nous devons stationner hors des remparts, sur le petit parking situé à 1,5 km du centre (lat. 40.658346/long -4.710634). On y pénètre par une des neuf portes. Eminemment religieuse, couvents (qui ne se visitent pas) et églises se succèdent au rythme de rues pavées qui montent vers la cathédrale – le chevet fait partie intégrante des remparts. Nous avons apprécié la promenade sur Las Murallas qui entourent Avila. Difficile d’imaginer que ce mur d’enceinte fut construit au XIe siècle, héritage des Romains et des Arabes. Le départ de la balade se fait de la puerta del Alcazar ou de celle de San Vicente.

 

En prenant la route de Salamanque par l’AV-110, nous passons par le belvédère des Cuadro Postes pour sa vue sublime sur Avila, surtout en fin de journée. Au milieu des champs, des taches noires ponctuent le paysage… des taureaux de combat qui, hélas !, tomberont sous le joug d’un toréador au centre de l’arène.

A Alba de Tormes, le tourisme n’est pas très développé. L’accueil y est d’autant plus chaleureux. On nous conduit jusqu’à la jolie place de la mairie, à l’ombre de grands palmiers. L’endroit est idéal pour nouer des contacts et déguster la cuisine locale, comme le ragoût de cabrito ou les migas. Les plats étant très copieux, une promenade vers le donjon s’impose.

 

Arrivés à Salamanque, nous nous garons sur un parking près du Puente Romano, accès direct à la vieille-ville. Une forêt de clochers rivalise de hauteur. On se perd au milieu des bâtiments universitaires et religieux. Nous préférons filer tout droit vers la magnifique plaza Major. De style baroque, avec galeries à arcades…, et surveillée par la tour d’horloge de l’hôtel de ville, cette place est le cœur de la vie salamantine.

Procurez-vous le plan de la ville à l’Office de Tourisme pour vous rendre à l’université. Cette noble dame de 800 ans est la plus ancienne institution d’enseignement supérieur de l’Espagne chrétienne. Nous arrivons face au portail des Escuelas Mayores (1529), un chef-d’œuvre plateresque aux médaillons et armoiries composant une dentelle de pierre où une grenouille se cache. Ceux qui la découvrent seraient assurés d’être reçus à leurs examens… Un peu plus loin, vous découvrirez les 366 coquilles Saint-Jacques qui décorent la Casa de las Conchas, l’ancienne bibliothèque. Son patio est superbe, alors poussez-en la porte.

Imbriqués dans les bâtiments du savoir, les édifices religieux sont nombreux, nous avons dû faire une sélection. Nous avons beaucoup apprécié le cloître de Las Duenas et le couvent de San Esteban. Le premier, de forme trapézoïdale, ­comporte deux galeries ornées de chapiteaux représentant des monstres aux visages grimaçants, une décoration étonnante pour un couvent de nonnes. Le second offre une façade digne des plus grandes cathédrales. C’est dans ce lieu que Christophe Colomb obtint l’aide des Dominicains, qui appuyèrent son projet auprès du roi d’Espagne.

 

Toujours le nez sur notre plan, nous arrivons au patio de La Salina, dont la loggia est soutenue par un encorbellement hors norme. Puis, un peu par hasard, nous passons devant le palacio de Monterrey dont la ronde des personnages entrelacés qui ornent l’extérieur vaut un arrêt. Toute cette richesse, Salamanque la doit à l’université médiévale (1218). En fin de soirée, les bars se remplissent d’étudiants, de touristes, de personnes âgées. Tout ce joli monde s’entremêle, bavarde et déguste tapas, vin et bière de la région. Nous faisons alors nôtre la phrase d’Unamuno, écrivain, philosophe et recteur :

C’est une ville ouverte et joyeuse. Le soleil a doré les pierres de ses tours, de ses temples et palais, cette pierre tendre qui prend une couleur ardente d’or vieux. Lorsque le soleil se couche, c’est une fête pour les yeux…

Pour dormir sereinement, nous optons pour le parking de Castellanos de Moriscos, à 20 km au nord de Salamanque, près d’un parc public (lat. 41.014540/long. -5.594191 ; de l’eau y est disponible).

Dans la campagne castillane

Nous nous arrêtons à Medina del Campo pour voir le plus haut donjon du pays et sa tour de 40 m de haut. On peut facilement se garer à côté. Notre guide nous explique le système défensif de l’édifice, notamment celui de la douve sèche, les barbacanes, les portes d’accès placées en hauteur et les ponts en bois… Pour déjeuner, rendez-vous dans l’un des restaurants de la grande place. Et les mantecados (petits biscuits) sont de bons desserts.

Après Cigales, nous suivons la route VP-4000 en direction d’Ampudia. Au milieu de cette meseta céréalière, quelques vignobles apportent un peu de verdure et un paysage plus vallonné. Passé l’unique relief d’une butte, Ampudia surgit, telle une oasis. Quelques arbres, un village et son château féodal et, juste à côté, une aire gratuite avec eau et services qui vous permettra de passer une excellente nuit (lat. 41.910900/long. -4.780930).

Une fois dans le village, changement de décor : on se croirait dans un western. Les ruelles sont bordées de galeries soutenues par des piliers en bois séculaires. « Ces constructions protègent du soleil », nous explique la señora qui organise les visites du château. Seul endroit un peu animé, le bar – ressemblant à un saloon – avec ses joueurs de dominos et des touristes égarés. Notre guide nous conseille de jeter un œil aux pigeonniers qui, à son grand désespoir, s’écroulent… A l’intérieur, les nids étaient installés dans une sorte de spirale avec une entrée et une sortie, en sens unique pour éviter les “accidents en vol” ! En suivant la route de Villamartin de Campos, on en découvre d’autres. On fait aussi étape au mirador de Tierra de Campos, près du village d’Autilla del Pino pour admirer la plaine de Castille.

« Vous allez voir, l’aire de Palencia est extraordinaire ! », nous avait vanté un camping-­cariste espagnol. Il avait raison ! Le stationnement (lat. 42.010553/long. -4.545727) est gratuit, les services très accessible,s et à 10 mn à pied du pont roman qui nous mène à la cathédrale, la fierté de la ville. En flânant dans la calle Major, les immeubles à bow-windows (début XXe siècle) et la façade du palais de Villandrado ne passent pas inaperçus.

 

Nous poursuivons notre remontée vers le nord. Fromista, étape sur le chemin de Compostelle, est connue pour son église romane du XIe siècle. L’édifice fait l’admiration des pèlerins avec ses frises de pierre en forme de bouchons et les 309 corbeaux aux motifs géométriques et humains, ces derniers étant particulièrement drôles.

Les amateurs de navigation fluviale iront admirer les quatre écluses superposées du canal de Castille. Les portes pour réguler la hauteur d’eau n’existent plus, les navires ne peuvent plus emprunter ce tronçon.

Nous concluons notre voyage par une belle rencontre à Villadiego. Le village dispose d’une aire gratuite à deux pas de la place centrale. Sur le coup de 20 heures, un monsieur frappe à notre porte. Il nous apporte un sac avec des prospectus et un document rédigé en français sur lequel on lit :

Je m’appelle Carlos. Bienvenue à Villadiego. Merci pour votre visite, cette information est pour vous : Villadiego est jumelée avec la commune française de Savennières depuis mai 2009. Le lundi, il y a un marché.

Bel exemple de l’accueil chaleureux des habitants de cette belle région que nous quittons à regret le lendemain. Mais c’est promis, nous reviendrons avec plaisir.

¡ Hasta luego Carlos !

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