Aujourd’hui, 100% des véhicules de loisirs vendus en France carburent au gazole. Un carburant hier loué pour sa consommation basse et ses faibles émissions de CO2, et aujourd’hui pointé du doigt en raison de ses particules fines et des NOx qu’il dégage. Certaines métropoles veulent même bannir tout véhicule diesel de leur ZFE dès 2024 (voir ZFE : faisons le point) ! A une époque où l’on s’insurge contre l’obsolescence programmée, où l’on prône la réparabilité plutôt que le remplacement de notre électroménager, on nous incite à mettre à la casse des véhicules en parfait état de fonctionnement au prétexte qu’ils sont considérés trop polluants ? Les seules alternatives viables imposent-elles de faire table rase du passé, voire du présent ? Voyons les options qui s’offrent à nous.
> L’ÉLECTRICITÉ
La fée électricité serait la solution miracle à tous nos problèmes (CO2, NOx, particules…). Du moins, c’est ce que le gouvernement s’est mis en tête et tente de nous faire accepter. Objectivement, ses qualités sont réelles : silence de fonctionnement, simplicité mécanique, faible encombrement du bloc, agrément de conduite, performances (le moteur électrique a un couple élevé disponible dès le démarrage et offre une force de traction associée à une souplesse inconnues des blocs thermiques). Mais pour fonctionner, il a besoin de batteries lourdes et encombrantes, ayant une propension à se vider plus vite que prévu et à mettre un temps infini à se recharger. En extrapolant de ce qui se fait sur une voiture, pour une autonomie réelle d’environ 400 km en camping-car, il faudrait un accumulateur de 200 kW/h d’un poids de 1,5 tonne et dont le coût avoisinerait les 50 000 €...
Quant à la recharge d’un tel accumulateur, elle prendrait au minimum une trentaine d’heures avec le boîtier domestique le plus puissant (7 kW/h). Enfin, cette alternative n’est pas si « verte » qu’il y paraît. Certes, les émissions au niveau du véhicule sont proches de zéro, mais il n’en va pas de même de sa fabrication avec un bilan écologique catastrophique avant même le premier kilomètre. Et dans un pays où le nucléaire est sur la sellette, comment alimenter, à terme, les rêves wattés de nos édiles ?
Avantages
Pas de pollution à l’échappement // Plein très bon marché // Agrément de conduite.
Inconvénients
Fabrication polluante // Surcoût à l’achat // Recyclage compliqué // Autonomie limitée // Recharge longue // Poids, encombrement & cout des batteries.
A quand un camping-car électrique ?
Pas de sitôt. L’électrique ne convient pas à un usage loisirs où les déplacements urbains sont rares, et la problématique de recharger très importante. Quant au surcoût et au poids supplémentaire, ils sont rédhibitoires.
> L’HYBRIDATION
Plusieurs systèmes se cachent sous cette terminologie, de la plus simple à la plus sophistiquée, celle présentant le plus d’avantages n’étant pas forcément la plus onéreuse, ni la plus compliquée.
Le premier fut celui inauguré par la Toyota Prius, un bloc thermique, pour la route, associé à un moteur électrique pour la ville. Les deux travaillent ensemble lors des accélérations franches et des relances. La petite batterie est rechargée lors des décélérations et freinages, le moteur électrique devenant alors un générateur. Ce système générant sa propre électricité se révèle plutôt vertueux et présente l’avantage de réduire la consommation de carburant en ville. En revanche, sur les grands axes, c’est un véhicule thermique « tout bête ».
La deuxième technologie consiste à utiliser un alterno-démarreur, relié au moteur thermique par une courroie. Incapable de mouvoir le véhicule par lui-même, il sert au redémarrage (Stop & Start) et peut donner un coup de pouce lors des accélérations. Lors des phases de décélération et de freinage il recharge sa batterie. Les avantages sont identiques à ceux d’une hybride classique, mais dans une moindre mesure.
Les hybrides rechargeables disposent de batteries beaucoup plus importantes qui peuvent être rechargées sur secteur et d’un moteur électrique plus puissant. L’autonomie en tout électrique est accrue dans de belles proportions (jusqu’à 50 km), mais le poids supplémentaire (200 à 300 kg) entraîne une surconsommation hors agglomération. Et il faut recharger la batterie sur secteur pour en profiter pleinement, ce que ne font pas toujours leurs utilisateurs.
Avantages
Technologie maîtrisée // Surcoût en grande partie absorbé par les aides de l’état (uniquement pour les voitures) // Consommation en baisse en ville.
Inconvénients
Pas d’amélioration sur la consommation sur grands axes, voire augmentation de cette dernière (hybrides rechargeables) // Problématique des batteries en fin de vie.
A quand un camping-car hybride ?
C’est déjà d’actualité avec les vans polyvalents sur Ford Transit Custom Mild Hydrid. Mais l’intérêt de l’hybridation sur des véhicules purement loisirs est très limité par rapport au surcoût (achat, surconsommation…) qu’elle impose.
> L’HYDROGÈNE
L’hydrogène est l’élément chimique le plus répandu dans l’univers mais on ne le trouve quasiment jamais à l’état naturel sur notre planète, il est toujours associé à d’autres atomes. Il faut donc l’isoler. La première technique, la moins onéreuse (environ 1,5 à 2,5 € le kilo), est le reformage, ou vaporeformage qui sépare le carbone (CO2) et l’hydrogène (H2) du méthane grâce à la vapeur d’eau et à la chaleur. Autre solution, la gazéification de charbon de bois. Ce dernier est brûlé à très haute température (1 200 à 1 500 °C) et libère du monoxyde de carbone (CO) et le fameux hydrogène. Pas très écolo tout ça… Reste l’électrolyse de l’eau dont, à l’aide d’un courant électrique, on sépare l’hydrogène de l’oxygène, mais dont le coût est quatre fois supérieur. Autres problèmes de l’hydrogène, son transport et sa distribution. Très peu dense, il prend énormément de place (un camion-citerne de sans-plomb équivaut à 22 d’hydrogène), quant aux pompes dédiées elles coûtent 1 million d’euros pièce, soit dix fois plus que celles distribuant sans-plomb et gazole (contraintes de sécurité pour ce gaz hautement inflammable qui doit être comprimé à 700 bars puis refroidi, car il ne doit pas être introduit à plus de 80 °C dans le réservoir). Des problèmes que l’on retrouve sur le véhicule avec un réservoir très onéreux et une pile à combustible, qui transforme l’hydrogène en électricité pour le moteur, dont le tarif équivaut à celui d’un fourgon d’accès de gamme neuf (environ 40 000 €) !
Avantages
De l’eau pour seul émission à l’échappement.
Inconvénients
Fabrication de l’hydrogène coûteuse et polluante // Coût de la pile à combustible et des réservoirs // Problème de transport et de distribution // Dangerosité de l’hydrogène
A quand un camping-car à hydrogène ?
Jamais. Contraintes et coût étant insurmontables.
> GNV / GPL / E85
Ces carburants sont déjà distribués et peuvent être utilisés dans les moteurs actuels au prix de modifications minimes. S’ils entraînent une surconsommation de 25 à 30%, cette dernière est compensée par des prix à la pompe attractifs.
Le GNV (Gaz Naturel pour Véhicules, composé à 97 % de méthane) peut être consommé aussi bien par des blocs essence que diesel. L’adaptation passe par l’implantation d’un réservoir supplémentaire, plutôt volumineux (le GNV prend plus de place par « litre d’essence équivalent », quantité d’énergie contenue dans un litre), et une modification de la cartographie moteur plus des injecteurs ou un mélangeur. Sa combustion est plus respectueuse de l’environnement (- 25% d’émissions de CO2 vs sans plomb, - 70% d’oxydes d’azote vs diesel et quasiment pas de particules d’après l’Ademe). Mais, pour l’heure, l’offre est quasi inexistante en France et les pompes y sont au nombre de 120. Un véhicule adapté au GNV reste cependant capable de rouler avec son carburant d’origine.
Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) semble une solution assez proche du GNV (émissions équivalentes), avec l’avantage de pompes de distributions nettement plus nombreuses (environ 1600 dans l'Hexagone), d’un réservoir moins gros et d’un tarif intéressant (moins de 1 € le litre vendu) grâce à une fiscalité avantageuse. Mais la transformation coûte relativement cher (environ 3 000 €). Le E85 est une alternative particulièrement pertinente avec un coût de transformation très raisonnable (environ 1 000 €) n’imposant pas de second réservoir et une homologation aisée. Le prix du carburant est également très intéressant (0,70 € le litre) et ce dernier étant à 85% d’origine végétale, son bilan carbone est extrêmement positif. Malheureusement, GPL et E85 ne sont utilisable qu’avec une motorisation essence, qui n’existe plus dans le camping-car.
Et l’huile hydrogénée ?
Il est question, ici, de recycler des huiles de friture usagées, afin de les utiliser comme substitut au gazole après filtration. Mais cela implique des contraintes. En premier lieu, ce carburant dégrade l’huile moteur, imposant des vidanges plus fréquentes ou l’utilisation d’un hyperlubrifiant, ainsi qu’une optimisation du moteur. Autre problème, les sources d’approvisionnement ne sont pas assez abondantes pour garantir une production suffisante. Cette solution est surtout une aubaine pour les restaurateurs, leur permettant de valoriser certains de leurs déchets.
Avantages
Emissions de polluants et de gaz à effet de serre réduites // Fiscalité généralement avantageuse
Inconvénients
Peu de pompes pour le GNV // GPL et E85 incompatibles avec une motorisation diesel // Pas assez de ressources pour l’huile hydrogénée pour en faire une alternative valable.
A quand un camping-car E85 ou GPL ?
Quand la motorisation essence fera son retour sur le marché.
A quand un camping-car GNV ?
Quand le réseau de distribution sera développé, ce qui ne semble pas dans l’air du temps
> LES CARBURANTS DE SYNTHÈSE
Piste intéressante pour la mobilité du futur, les carburants de synthèse restent dans l’ombre, occultés par la mise en lumière dont bénéficie l’électrique. Pourtant, elle est prometteuse : des sans-plomb et diesel fabriqués à parti de la biomasse (donc avec des émissions de CO2 « naturelles ») grâce à l’action de levures, bactéries ou à la culture d’algues génétiquement modifiées. Des carburants qui pourraient remplacer, sans changements, nos essences et gazoles d’origine fossile et que tous les moteurs, même les plus anciens, pourraient accepter et consommer sans modification. Une révolution transparente, qui ne présenterait que des avantages mais qui reste pour l’instant au stade de l’expérimentation. En effet, les techniques de fabrication sont multiples, connues et quasiment maîtrisées, mais elles ne sont pas sans problèmes.
En premier lieu il faut noter l’encrassement des « tubes de culture » dans lesquels les algues sont cultivées ou où les bactéries agissent, la lumière faisant partie intégrante du processus. Ensuite, pour l’heure, le litre de gazole de synthèse dépasse l’euro quand celui d’origine fossile revient à moins de 50 centimes (avant TICPE et TVA). Tout simplement rédhibitoire. Mais les techniques s’améliorant, le prix de fabrication ne peut que baisser.
Avantages
Fabrication et combustion respectueuses de l’environnement // Adaptabilité à tous les moteurs sans modification // Possibilité d’intégrer ces carburants au système de distribution actuel
Inconvénients
Coût de fabrication trop élevé // Encrassement du matériel de fabrication.
A quand un camping-car roulant au carburant de synthèse ?
Dans très longtemps, et encore ! A moins d’une volonté étatique comme c’est le cas actuellement pour l’électrique
> CONCLUSION
Alors que le gouvernement entraîne constructeurs et consommateurs à marche forcée vers l'électrique, en oubliant ses contraintes et limites, il existe des solutions plus simples et au moins aussi efficaces. Electricité et hydrogène posent de gros problèmes sans pour autant résoudre l’équation. L’hybridation, qui pouvait être considéré comme un mode transitoire vers l’électrique, se montre plus intéressante, mais son utilisation est peu en accord avec la pratique du camping-car. Reste la solution la plus simple : remplacer uniquement les carburants. Malheureusement, cette solution est quasi invisible et n'a pas le spectaculaire d'une renouvellement complet du parc roulant et du système de distribution. Et quand on veut faire la révolution, on aime que cela se voit...